Yousef Fittiani

Et pour s’assurer que tout reste parfait, Yousef Fittiani a recouvert les moquettes fraîchement brossées d’épais tapis de sol en plastique transparent, reflet de l’amour immodéré que l’homme porte à sa voiture dans cette région où les tempêtes de sable balayent presque quotidiennement les rues. « Ici, il faut entretenir les voitures en permanence. Sans quoi, elles vieillissent plus vite qu’elles ne roulent », déclare Yousef Fittiani, avant d’ajouter : « C’est aussi que je ne supporterais pas que l’une des voitures de ma collection soit mal entretenue. »

Sa collection, un assemblage choisi de modèles Porsche, Yousef Fittiani l’a installée dans un garage souterrain privé et climatisé, qu’il brûle de dévoiler à l’équipe de Christophorus. En chemin, il raconte comment lui est venue sa passion pour Porsche. Tout commence à la fin des années 1980, lorsqu’il part étudier aux États-Unis. Le jeune homme est immédiatement frappé par le véritable culte que les Américains vouent à l’automobile. Parallèlement, son père, plutôt que de le couvrir d’argent, l’encourage à prendre au sérieux ses études et à se faire à la vie et à la culture de ce nouveau pays. Doué d’un fort sens des affaires, il l’incite à écouter ses passions, prendre de sages décisions, se fixer des objectifs et tenter de les atteindre.

Le premier objectif du jeune homme : une Porsche 944 S2 Cabriolet blanche. « Un de mes camarades avait une 944 Turbo S, une voiture de fou qui impressionnait sur les circuits comme sur la route. Je suis tombé sous le charme de ce design emblématique des Porsche de la fin des années 1980. Après les cours, j’allais souvent flâner devant les vitrines des vendeurs de voitures. » Et un jour, à 19 ans, il tombe sur le fameux Cabriolet.

42 000 dollars séparent alors l’étudiant de la voiture de ses rêves. Yousef Fittiani demande donc à son père de lui prêter un peu d’argent puis, son butin en poche, assiste à quelques ventes aux enchères automobiles sur la côte est. Pas pour acheter le modèle de ses rêves, mais pour affûter son sens des affaires. Il apprend bientôt à reconnaître les voitures qui, avec peu d’entretien, pourront lui permettre de réaliser un bénéfice. Après des mois rythmés par un intense ballet d’achats et de ventes, Yousef Fittiani parvient à rassembler une somme suffisante pour s’offrir la 944.

« Il y a autre chose que j’ai apprécié aux États-Unis à l’époque : l’ambiance décontractée du Porsche Club of America », explique Yousef Fittiani. « L’origine sociale de ses membres n’avait pas d’importance. Dans ce club, tous étaient égaux et partageaient la même passion : conduire des Porsche. » Au volant de sa 944, Yousef Fittiani expérimente alors les plus beaux circuits et parcourt les plus belles routes des États-Unis. À cette époque, il visite également le musée Porsche de Stuttgart avec son père. Finalement, au début des années 1990, il acquiert un deuxième modèle de la marque : une 911 Carrera 2 de 1992, extérieur Rouge Corail, intérieur gris.

Retour au Koweït. Les phares du Cayenne éclairent une barrière rouge et blanc, derrière laquelle un homme à la barbe grisonnante plisse les yeux dans la lumière aveuglante. Lorsqu’il reconnaît la voix de Yousef Fittiani, il nous adresse un geste amical et lève la barrière. Dix minutes plus tard, après avoir passé deux lourdes portes enroulables, nous entrons dans le garage de Yousef Fittiani, où le passionné abrite sa précieuse collection. Depuis l’achat de sa 944, il est resté fidèle à la marque de Zuffenhausen, et a amassé nombre de tee-shirts, tasses, casquettes, modèles réduits, cartes dédicacées, posters et calendriers arborant le logo Porsche. C’est aussi là qu’il garde ses plus grands trésors : une 911 Turbo Cabriolet argentée (Type 996), flanquée d’une 911 GT3 blanche et d’une 911 GT3 RS jaune, toutes deux de 2007. En face est garée une 911 GT2 (Type 997) en livrée Jaune Racing, et derrière, une 911 Cabriolet noire de 1989.

« Porsche est ma plus grande passion. » Yousef Fittiani

Au centre de la pièce étincelle le joyau de la collection : une Carrera GT. Même le plus fin connaisseur de la marque ne pourrait deviner que la voiture de sport, à l’aspect flambant neuf, affiche 20 000 km au compteur. « En vérité, je n’avais pas du tout l’intention d’acheter une GT. Et puis j’ai appris qu’un célèbre pilote de rallye émirien souhaitait vendre le modèle qui se trouve précisément sous vos yeux. Il n’affichait alors que 5 000 km au compteur. Je n’ai tout simplement pas pu résister », avoue Yousef Fittiani, en passant affectueusement un chiffon doux sur la portière de la voiture, côté conducteur. « Heureusement, j’ai saisi l’occasion. La GT est une voiture de sport incroyable, une référence. » Lorsqu’il soulève le capot arrière, difficile d’en croire nos yeux : le moteur est impeccable, comme s’il venait tout juste de sortir de l’usine. Yousef Fittiani sourit d’un air gêné et explique : « Pendant son premier entretien, je n’ai pas arrêté de me rendre au Centre Porsche Koweït et j’ai nettoyé de nombreuses pièces à la brosse à dents avant qu’elles ne soient remontées. »

Yousef Fittiani n’est pas seulement un fervent conducteur de Porsche et un collectionneur passionné. Il a également à cœur la notoriété de la marque. En 2003, il fonde ainsi, avec d’autres amateurs, le Porsche Club local. Vice-président du club jusqu’en 2013, il organise de nombreuses rencontres et sorties. Le golfe Persique compte un grand nombre de propriétaires de Porsche. Et pour que cette passion perdure, Yousef Fittiani initie déjà ses deux enfants aux voitures de sport de la lointaine Allemagne. Régulièrement, tous deux l’accompagnent dans son garage, où sa fille Ayda l’aide à polir les carrosseries et son fils Omer les regarde, vêtu d’une grenouillère. Une grenouillère Porsche, cela va de soi.