Révolution de palais

Porsche France : Formé auprès des plus grands chefs français, animé par une quête de la perfection héritée de sa culture japonaise, Kei Kobayashi sublime les produits du terroir. Une révolution pour le palais.

Le chef Kei Kobayashi


C ’est une devanture qui inspire la sobriété et l’élégance, située rue du Coq Héron, dans le 1er arrondissement de Paris, discrètement flanquée de trois lettres – Kei – qui ne renseignent en rien sur ce qui se cache derrière. On pourrait aisément passer devant sans même en remarquer l’existence. Ce serait un tort, pire, une erreur car cette vitrine ascétique dissimule un écrin raffiné pour la cuisine d’exception signée Kei Kobayashi. À 41 ans, le chef japonais est à la tête d’une des adresses gastronomiques les plus en vue de la Capitale, récompensée par deux étoiles au guide Michelin. Une réussite éclatante racontée tout en réserve par celui qui a choisi la cuisine pour des raisons vestimentaires et qui nourrit une passion pour Porsche… grâce au boulanger de sa jeunesse.

Tout commence avec style

Kei a grandi à Nagano et en dépit de parents cuisiniers dans un restaurant traditionnel, il n’est pas attiré par ce métier. « À 15 ans, j’ai arrêté le lycée. Et dans ce cas, qu’est-ce qu’on fait ? On regarde la télévision ! C’est comme cela que je suis tombé sur l’émission culinaire de M. Chapel ». Alain Chapel était un chef mondialement connu, artisan de la Nouvelle Cuisine, dont le restaurant situé à Mionnay dans l’Ain a obtenu ses trois étoiles dès 1973. Son aura, via la télévision, a rayonné aux quatre coins du monde et a fait briller la gastronomie française jusqu’au Japon. Mais, ironie de l’histoire, le jeune Kei n’est alors pas vraiment intéressé par les recettes ou les techniques de cuisson : « J’étais fasciné par son costume : pantalon noir, veste, tablier et toque blancs, c’était magnifique. C’est pour ça que j’ai décidé de devenir chef. » Une révélation pour le moins iconoclaste, peut-être autant que celle qui va faire naître sa passion pour Porsche…

À 15 ans, Kei décroche son premier petit boulot dans un restaurant français de Nagano. « Lorsque j’ai commencé à travailler, le boulanger venait livrer le pain au restaurant tous les matins avec une Porsche 911 cabriolet jaune. Je me souviens encore de la ligne et du bruit de sa voiture. Depuis, je suis un inconditionnel de la marque. » Une passion qui, à l’époque, reste à l’état de rêve pour l’apprenti cuisinier qui fait ses armes sur le tas, sans suivre de formation particulière. « Au début, j’étais commis. Je faisais tout ce qu’on me demandait et finalement très peu de cuisine, hormis quelques entrées. Je travaillais jusqu’à 20 heures par jour avec seulement deux jours de congé par mois. »

Le Kei :

Le Kei :

Depuis les cuisines de son restaurant ouvert en 2011, le chef propose une expérience unique.

Une période d’apprentissage qui nourrit aussi le désir de Kei de découvrir la France. « Le chef du restaurant dans lequel je travaillais se rendait très souvent en France et me racontait tout le temps ce qu’il s’y passait. Après quatre ans passés à Nagano et deux ans à Tokyo, j’ai décidé de tenter ma chance. » Mais l’arrivée de Kei en France ne se déroule pas comme prévu. À peine a-t-il atterri à Paris – et alors qu’il est recommandé pour un poste dans un restaurant en Bretagne – il se rend compte qu’il a besoin d’un visa de travail. Or, il n’a qu’un visa de touriste. « Je suis resté un mois à Paris, sans pouvoir travailler. C’était très compliqué. J’ai décidé de retourner au Japon pour revenir avec un visa étudiant. »

Retour en France

À 21 ans, l’apprenti cuisinier fait enfin de la France son pays d’accueil et parvient, à force de conviction et de travail, à apprendre aux côtés des plus grands chefs. « Il a fallu que je me fasse repérer. Je partais avec la barrière de la langue – je ne parlais pas très bien le français – alors je devais être bien meilleur que tout le monde sur la rapidité, la précision et la connaissance de la cuisine française. » De l’« Auberge du Vieux Puits » à Fontjoncouse (trois étoiles au guide Michelin) au restaurant « Le Cerf » à Marlenheim (deux étoiles) en passant par le « Prieuré » à Villeneuve-lès-Avignon (une étoile), Kei enchaîne les expériences et acquiert une connaissance pointue de la gastronomie des terroirs.

En 2003, le jeune chef intègre le prestigieux restaurant d’Alain Ducasse au Plaza Athénée (trois étoiles), sous les ordres de Jean-François Piège puis de Christophe Moret. « J’y suis resté sept ans, comme second. J’ai appris énormément de choses. Puis j’ai demandé à Alain Ducasse une place de chef dans un de ses restaurants. Mais c’était en 2008, au moment de la crise. Ne trouvant pas, j’ai ouvert mon propre établissement en 2011. » Il s’installe alors au 5 rue du Coq Héron, une adresse déjà réputée dans le monde entier car elle accueille depuis trois décennies le restaurant « Chez Besson ».

De cette période, Kei retient qu’il a dû relever les deux plus grands défis de sa carrière. « Georges Besson a tenu ce restaurant pendant 32 ans et a eu les deux étoiles pendant 24 ans ! Il fallait prendre la relève de cette adresse gastronomique traditionnelle en proposant quelque chose de nouveau tout en conservant le même niveau de qualité. L’autre difficulté, c’est qu’en ouvrant mon propre restaurant, je n’étais plus seulement cuisinier mais aussi chef d’entreprise et patron de douze salariés. C’est un changement de métier et c’est ce qui est le plus compliqué. » 

Aujourd’hui, Kei Kobayashi a bâti une solide notoriété. Son interprétation de la gastronomie française sous influences asiatiques, tout en raffinement et en précision, attire une clientèle internationale. Un travail récompensé en 2017 par deux étoiles au guide rouge. Pour le chef japonais, une étape avant les trois étoiles : « Le guide Michelin reste une référence dans le monde même s’il y a de plus en plus de classements. En France, il y a quatre-vingt-cinq restaurants deux étoiles et vingt-huit trois étoiles. Je cherche à être le vingt-neuvième. » 

Pour s’approcher de la perfection, Kei ne propose pas de carte dans son restaurant, mais des menus qui n’indiquent que le nombre de plats : « On cherche à faire la meilleure cuisine du moment, en utilisant les meilleurs ingrédients dont nous disposons au jour le jour. Pour cela, je travaille notamment avec Didier Pil, du Potager du Petit Moulin, qui fournit tout au long de l’année des produits d’une qualité remarquable. Nous nous connaissons depuis plus de 10 ans. »

Expérience sensorielle :

Expérience sensorielle :

Tradition et modernité, esthétisme et précision, recherche constante de la perfection. Kei et Porsche parlent le même langage.

Un rêve secret

Une vie de chef étoilé qui ne lui laisse que trop peu de temps pour assouvir sa passion pour Porsche, qu’il vit à l’intérieur même de sa cuisine. « Notre menu évolue au fil des saisons. À chaque fois que l’on change un plat, c’est parce qu’on a réussi à faire mieux. Comme Porsche avec la 911 qui, de génération en génération, parvient à l’améliorer », explique-t-il.

« À chaque fois que l’on change un plat, c’est parce qu’on a réussi à faire mieux. Comme Porsche avec la 911. » Kei Kobayashi

Kei est un adepte de la 911, de préférence en cabriolet, véritable madeleine de Proust du souvenir du boulanger de son enfance… « J’aime le fait que la 911 soit aussi confortable en ville que rapide sur un circuit. J’ai eu d’autres voitures de sport mais les Porsche sont les plus efficaces. » À côté de son rêve de décrocher le Graal dans le domaine de la cuisine – une troisième étoile au guide Michelin – Kei caresse l’espoir d’un jour piloter une 911 GT3 RS sur circuit. Car, dans l’esprit du chef, les deux mondes de la cuisine et de l’automobile sont finalement très proches. « En cuisine, on a beau avoir la bonne recette, il suffit qu’un ingrédient ou qu’un geste ne soit pas le bon pour que le résultat final soit raté. En voiture, c’est pareil. »

Remerciements 

Merci à Didier Pil pour son accueil au Potager du Petit Moulin à Allonnes.

Mathieu Chevalier
Mathieu Chevalier
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