Frank Marrenbach

Quand son emploi du temps le lui permet, Frank Marrenbach s’adonne à sa passion pour Porsche. Au volant de sa 911 Carrera de 1972, il sillonne la Forêt-Noire. Ou se plonge dans sa collection de Christophorus, qui rassemble tous les numéros depuis la première édition de 1952.

Impossible d’imaginer Baden-Baden sans le Brenners Park-Hotel & Spa. Cet hôtel, qui compte parmi les plus luxueux du sud-ouest de l’Allemagne, fait la fierté de la ville thermale depuis plus de 150 ans. Mais le Brenners Park-Hotel & Spa ne serait pas ce qu’il est sans Frank Marrenbach. Cela fait deux décennies que l’homme forge la destinée de la maison. À 50 ans, le directeur de l’établissement est d’une extrême discrétion. Qu’il parle de lui-même ou bien des autres, il choisit ses mots avec circonspection, pèse chacune de ses paroles et formule ses propos avec diplomatie. Peut-être ce trait de caractère lui a-t-il été inspiré par les chefs d’État et les hommes politiques de premier plan dont il a croisé la route : Bill Clinton, Angela Merkel, Barack Obama et bien d’autres, dont les noms figurent dans le registre du palace de Baden-Baden. Sur ces rencontres, Frank Marrenbach sait garder le silence, et cette vertu a sans doute contribué à ce qu’il soit élu « Hôtelier de l’année » en 2016, une consécration.

Scène matinale :

Scène matinale :

Frank Marrenbach aime à prendre le volant de grand matin.

Frank Marrenbach n’ignore rien des codes de conduite à adopter en compagnie des grands de ce monde, mais également en toute autre circonstance. Cet art, le natif de Düsseldorf l’exerce au quotidien : en tant que dirigeant du groupe hôtelier Oetker Collection, il gère plusieurs hôtels de luxe, dont le mythique Cap-Eden-Roc d’Antibes et le Bristol Paris. Avec ses quelque 3 000 collaborateurs, il veille au respect des plus hauts standards de qualité dans de nombreux palaces, depuis les Caraïbes jusqu’aux Seychelles, tout en laissant s’exprimer le caractère propre à chaque établissement. Pour mener à bien cette mission, Frank Marrenbach sillonne le monde quatre mois par an, et accorde une grande attention aux diverses coutumes locales. C’est pour lui un principe fondamental : « Peu importe d’où l’on vient et qui l’on rencontre : en toute circonstance, le maître-mot est le respect. Dans les paroles, dans l’attitude, dans l’approche. »

Somptueux décor :

Somptueux décor :

La 911 Carrera RS 2.7 vert vipère de Frank Marrenbach à Baden-Baden.
Pause :

Pause :

En pleine lecture, Frank Marrenbach profite d’un rare moment de répit.

Modèle : 911 Carrera RS 2.7
Année de construction : 1972
Moteur : 2,7 litres, 6 cylindres
Couleur : vert vipère

Si son métier exige de lui une grande capacité de concentration et une immense maîtrise de soi, sa passion prend le contre-pied de son quotidien professionnel : « Dans mon travail, je suis en contact permanent avec les gens. Pendant mon temps libre, je recherche donc l’isolement. Le cockpit d’une classique Porsche est le refuge idéal. » En 2002, Frank Marrenbach achète sa première 911 : une 911 4S, Type 993. Rapidement, il acquiert une 996 Turbo puis une 964 RS, avec laquelle naît sa passion pour les modèles RS. « Au volant d’une Porsche, je suis comme transporté », confie-t-il. « Mais conduire une RS est d’une intensité qui m’oblige à donner le meilleur de moi-même. C’est ce que je recherche. » Au fil des ans, il fait l’acquisition de plusieurs modèles RS, car chaque version s’accompagne de nouvelles sensations : « La 997 GT3 RS a une conduite très différente de la 964 RS. Et au-delà des 5 000 tours, le rugissement de son moteur me donne des frissons. Je ne m’en lasse pas ! »

La pièce maîtresse de la collection de Frank Marrenbach : une Carrera RS 2.7 de 1972 à la livrée vert vipère. Dotée de l’emblématique aileron arrière « queue de canard », il s’agit du tout premier modèle 911 RS. Frank Marrenbach est immédiatement tombé sous le charme de cette sportive mythique : « La reprise du moteur six cylindres, la vitesse et la stabilité en courbe : ce modèle tient toutes ses promesses. Mais comme pour toutes les 911 RS, la prise en main n’est pas évidente. Cette voiture inspire le respect, et la maîtriser demande de la pratique. » Frank Marrenbach a eu beau effectuer le stage de pilotage Porsche et même s’attacher les services d’un instructeur personnel, il a vite été confronté aux difficultés de l’exercice. « Mon premier essai à Hockenheim a été catastrophique. Dès le deuxième virage, j’ai fait une erreur au freinage. Pas assez de maîtrise. J’étais en colère contre moi-même », se souvient-il. Perfectionniste, il s’attache dès lors à travailler ses points faibles : « J’aime m’améliorer et trouver des solutions lorsqu’un défi se présente à moi. » Frank Marrenbach s’élance sur les circuits trois ou quatre fois par an. De temps en temps, il participe à un rallye au volant de l’un de ses modèles RS, accompagné de son frère, ingénieur de développement chez Porsche à Weissach.

« Au volant d’une Porsche, je suis comme transporté. Mais conduire une RS est d’une intensité qui m’oblige à donner le meilleur de moi-même. » Frank Marrenbach
Voyage dans le temps :

Voyage dans le temps :

Pour Frank Marrenbach, Christophorus retrace l’histoire de Porsche.

65 années de Christophorus

La passion de Frank Marrenbach pour Porsche s’exprime également d’une autre manière : chez lui, une pièce entière est dédiée à la marque. Une « salle contemplative », comme il l’appelle, emplie du sol au plafond de littérature Porsche et de modèles réduits. Christophorus occupe une place centrale dans cette collection : les 384 numéros parus à ce jour, dont le tout premier de 1952, sont classés dans des emboîtages bleu foncé, agrémentés d'ornements dorés, fabriqués sur mesure. Frank Marrenbach les a acquis auprès d’un collectionneur, qui a pris le soin de s’assurer que son précieux trésor tomberait entre de bonnes mains.

La revue destinée aux clients Porsche fête cette année ses 65 ans : une histoire empreinte de succès, plus longue encore que celle de la 911. En 1952, voir à travers les yeux d’un pilote d’essai ou s’inspirer d’un magazine pour organiser ses escapades en voiture était totalement inédit. Cependant, la fascination que suscite la revue chez Frank Marrenbach ne s’explique pas seulement par les sujets abordés, les photographies et le style des articles. Il s’agit également du contexte historique servant de toile de fond à chaque édition. « Christophorus, c’est un voyage dans l’histoire de l’Allemagne », explique-t-il en feuilletant l’un des numéros de 1952. « Par exemple, en se plongeant dans cette édition parue seulement sept ans après la fin de la guerre, on comprend les préoccupations des gens, ainsi que leurs espoirs pour l’avenir. » Si cette collection est si précieuse à Frank Marrenbach, c’est aussi parce qu’elle regorge d’informations sur le passé de la marque. « Plus qu’un témoignage historique, Christophorus reflète l’évolution de la situation économique de Porsche : les difficultés de la marque au début des années 1990, puis son renouveau, quelque temps plus tard. » Une véritable mine d’informations digne, à ses yeux, de l’Encyclopedia Britannica ou du Brockhaus. Précieuse au point que si la maison venait à brûler, les plus anciens numéros de la revue seraient les premiers objets que Frank Marrenbach choisirait de sauver.

Une collection historique :

384 numéros de Christophorus ont suivi le 1er numéro de 1952. La collection de Frank Marrenbach les rassemble tous.

Une personne d’importance

Parfois, Frank Marrenbach se lève de grand matin et, alors que tous les hôtes dorment encore, monte à bord de sa Carrera vert vipère et s’élance au cœur de la Forêt-Noire. « Cela peut paraître banal, dans ces moments-là, je prends du temps pour moi. Je ne peux pas me consacrer qu'à mes seules obligations professionnelles. Et pour bien faire son travail, tout compte : chaque réflexion, chaque rencontre, chaque interaction. » Frank Marrenbach s’interrompt. Puis, emporté par la force du souvenir, raconte l’anecdote d’une rencontre en particulier : « Ce qui m’a profondément impressionné chez Bill Clinton, c’est l’importance qu’il semblait accorder à chacun de ses interlocuteurs. Un jour, alors qu’il quittait notre hôtel tôt le matin en ayant peu dormi, il a aperçu des membres du personnel à la réception. Il avait déjà franchi le seuil de la porte, mais il a fait demi-tour et est allé remercier chacun d’entre eux personnellement. S’il ne l’avait pas fait, personne ne s’en serait ému. Et pourtant, il l’a fait. J’en suis resté sans voix. »

Lena Siep
Lena Siep