Autovoltaïque

Un périple de 3 022 kilomètres à travers l’Australie avec le soleil comme seul carburant : des étudiants d’Aix-la-Chapelle ont relevé le défi du World Solar Challenge avec le concours des experts de Porsche Motorsport.

Le démarrage se fait en douceur, dans un silence quasi total. Avec sa coque en plexiglas montée sur un panneau, l’engin semble juché sur deux quilles de catamaran. La voiture futuriste n’est pas sans rappeler ces véhicules fantaisistes imaginés par les dessinateurs de comics des années 1960, qui faisaient rêver les enfants d’alors aux bolides de demain. Aujourd’hui, l’avenir glisse sous nos yeux ébahis en produisant un léger bourdonnement, mais aucune émission de polluants atmosphériques, car son unique source d’énergie est fournie par le soleil.

La voiture électrique propulsée par l’énergie solaire s’arrête en douceur. Tandis que le pilote Marc Locke s’extirpe du cockpit spartiate et retire son casque, Christiane Rupp, Hendrik Löbberding et Markus Eckstein s’affairent autour du véhicule futuriste. Tous sont étudiants de l’école supérieure polytechnique de Rhénanie-Westphalie (RWTH) ou de l’université de sciences appliquées d’Aix-la-Chapelle (FH). Composée d’une quarantaine de membres, la « Team Sonnenwagen Aachen » s’est lancé un défi ambitieux : terminer en un minimum de temps le World Solar Challenge, la plus célèbre course de voitures solaires au monde. Avec ses 3 022 kilomètres de course à travers l’immensité australienne, cette épreuve représente un challenge de taille.

Recherche et développement:

Recherche et développement:

Hendrik Löbberding (au centre), responsable du projet, discute des résultats obtenus avec Markus Eckstein (à g.) et Marc Locke (à dr.).

World Solar Challange

Reconnu comme l’épreuve de véhicules solaires la plus difficile au monde, le World Solar Challenge se dispute en Australie. La 14e édition se déroulera du 8 au 15 octobre 2017 et mettra les voitures solaires au défi de rejoindre Adélaïde, au sud, depuis la ville de Darwin, au nord, en empruntant la fameuse Stuart Highway. Les concurrents devront ainsi traverser l’outback australien et parcourir une distance de 3 022 kilomètres en six jours. Tout au long du parcours, ils ne pourront rouler qu’entre 8 et 17 heures, pauses comprises, et devront respecter la vitesse moyenne de 65 km/h. Le règlement impose également aux pilotes d’emporter deux litres de boisson pour pouvoir supporter les températures locales de plus de 40 °C.

www.worldsolarchallenge.org

Depuis deux ans, ces étudiants issus de différentes disciplines universitaires préparent la course et conçoivent leur propre voiture solaire. Tout a commencé par un reportage sur le World Solar Challenge 2015, qui a fait germer l’idée d’une participation à l’épreuve. Partie de zéro, l’équipe s’est alors mis au travail, travaillant sans relâche dans leur modeste laboratoire avec un seul mot d’ordre : l’efficience. Car qu’il s’agisse de la résistance au roulement des pneumatiques, de la performance des batteries et des cellules photovoltaïques ou de l’utilisation des ressources financières disponibles, l’efficience est la clé du succès. Cette démarche n’est pas sans rappeler celle qui a prévalu pour la conception de la 919 Hybrid, le prototype LMP1 qui, en juin dernier, a triomphé aux 24 Heures du Mans pour la troisième année consécutive. Il était donc tout naturel que Porsche noue un partenariat avec les étudiants d’Aix-la-Chapelle. Le constructeur a apporté un soutien financier à l’équipe, mais aussi son expertise.

Techniquement, les étudiants ont soigné leur copie. Leur voiture solaire repose sur un châssis tubulaire en acier sur lequel sont fixées toutes les composantes du véhicule et qui protège le pilote en cas de choc. La carrosserie en plastique renforcé de fibres de verre est profilée pour une aérodynamique optimale et intègre 260 cellules photovoltaïques en silicium réparties sur les 4 m² de sa surface supérieure, qui chargent le bloc de batterie lithium-ion développé sur mesure par l’équipe d’Aix-la-Chapelle. La batterie alimente le moteur-roue de 135 V de tension et 1,4 kW de puissance, à peine plus que celle d’un sèche-cheveux, qui suffit pourtant à propulser la voiture de moins de 200 kg à 135 km/h, une vitesse de pointe qui n’est cependant jamais atteinte en pratique. Avec une batterie chargée, la voiture solaire peut rouler quatre heures à une vitesse comprise entre 70 et 80 km/h, affichant ainsi une autonomie de plus de 300 kilomètres.

Dur à cuire:

Dur à cuire:

Le pilote Marc Locke doit entretenir sa forme physique, car en Australie, les températures peuvent atteindre 45 °C. Avant le début des essais, Christiane Rupp, étudiante, réalise les derniers réglages sur la voiture solaire.

La 919 Hybrid pour modèle

« Notre objectif premier, c’est de franchir la ligne d’arrivée », déclare Hendrik Löbberding, responsable du projet. « En 2015, nombreux sont ceux qui ont pris le départ du World Solar Challenge sans parvenir à finir la course. » Les étudiants ont donc tâché de s’y préparer au mieux, et ont bénéficié en cela du soutien de l’équipe LMP Porsche championne du monde d’endurance. Le constructeur a notamment contribué à résoudre le défi logistique des blocs de batterie, des composants hautement inflammables, et à l’obtention de données météorologiques précises. Porsche a également apporté sa pierre à l’édifice pour la récupération d’énergie : comme la 919 Hybrid, la voiture solaire récupère l’énergie cinétique au freinage. Des tests en soufflerie ont même été menés au Centre de développement de Weissach.

« La démarche de ces étudiants est la même que la nôtre : repousser les limites de la voiture », déclare Andreas Seidl, directeur de l’équipe LMP. Pour lui, les points communs ne s’arrêtent pas là : « Qu’il s’agisse de construction légère, de refroidissement, d’efficience, de performance de la motorisation électrique ou d’aérodynamique, ils font face aux mêmes défis que ceux qu’il nous a fallu relever avec la 919 Hybrid. » Avec le triple vainqueur des 24 Heures du Mans, les aspirants ingénieurs ont trouvé un modèle de choix.

Pour en savoir plus

World Solar Challenge

Klaus-Achim Peitzmeier
Klaus-Achim Peitzmeier